La Charte de saint Louis, 1256
Le manuscrit le plus ancien de Montivilliers
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La charte de saint Louis, M 58, 1256
Transcription et traduction proposée par Maud Perez-Simon, Maître de conférence en langue et littérature française :
Ludovicus, Dei gratia Francorum rex. Noverint universi presentes pariter et futuri quod nos divini amoris intuitu et ob remedium anime nostre ac animarum inclite recordationis regis Ludovici, genitoris nostri, et regine Blanche, genitricis nostre, ac aliorum antecessorum nostrorum dedimus et concessimus in puram et perpetuam elemosinam hospitali Monasterii villaris et pauperibus infirmis ididem degentibus unam peciam terre cum nemore super excrescenti quod dicitur « nemus de Ardanneia » quod habebamus situm inter Monasterium villare et Roeulam pro ut se proportat in longitudine et latitudine. Ab eisdem hospitali et predictis pauperibus ibidem degentibus libere, pacifice et quiete im perpertuum tenendam et possidendam salvo jure in omnibus alieno. Quod ut ratum et stabile permaneat in futurum presentes litteras sigilli nostri fecimus impressione muniri. Actum apud Insulam bonam anno domini millesimo ducentesimo quiquagesimo sexto mense aprili.
« Louis, par la grâce de Dieu roi des Français. Sachent tous sujets présents et à venir que, poussé par l'amour divin et pour le salut de nôtre âme et des âmes d'illustre mémoire du roi Louis, notre père, de la reine Blanche, notre mère, et de mes ancêtres, nous avons donné et offert en pure et perpétuelle aumône à l'hôpital de Montivilliers et aux pauvres infirmes qui l'occupent, une pièce de terre avec la forêt qui la couvre, qui s'appelle « forêt d'Ardenne » qui nous appartient, située entre Montivilliers et Rouelles comme elle se pourporte en long et en large. les dits hôpital et pauvres qui l'habitent tiendront et possèderont cette terre en jouissance libre, pacifique et en tout repos, à perpétuité, tout droit d'autrui en tout respecté. Pour ratifier et rendre stable le tout dans l'avenir, nous avons garanti les présentes lettres par l'apposition de notre sceau. Fait à Lillebonne, l'an de Notre Seigneur 1256, au mois d'avril. »
La charte de saint Louis est le document manuscrit le plus ancien conservé dans le fonds patrimonial de la bibliothèque Condorcet.
De retour de croisade, Louis IX, dit saint Louis, fait le don d'une terre à l'hôpital de Montivilliers en souvenir de sa mère, Blanche de Castille, morte en son absence en 1252. Montivilliers est alors une ville commerciale prospère. Son abbaye bénéficie de nombreux biens et privilèges, ainsi que d'une exemption totale et complète attribuée par Robert le Magnifique en 1035. Celle-ci la met en dehors et à l'abri de toute souveraineté extérieure, séculière et ecclésiastique. Elle est donc indépendante du pouvoir royal, des seigneurs locaux et de l’Église. L'hôpital, créé en 1241, est géré par les abbesses bénédictines de Montivilliers. Un sceau était retenu par les lacs de soie vert et rouge orangé qui subsistent encore aujourd'hui. Ce sceau est déjà absent au XIXe siècle. Cette charte est signée à Lillebonne, traduit en latin Insulam bonam, soit « île bonne » dans le texte. Ce n'est pourtant pas le noms latin originel de la ville, Juliobonna qui vient de Julio (Jules César), et bona, un terme gollois désignant une ville ou un village. Cette pratique de reconstitution de l'étymologie latine à partir du nom moderne est courante au Moyen-âge.
Pour le mot Ardennes, deux hypothèse sont proposée. L'une par Martin Ben fait dériver Ardennes du celtique ard, « hauteur ». Soit un lieu en hauteur, probablement la ferme Saint-Louis sur le plateau d'Epremesnil. Une autre hypothèse de Gilbert Décultot, fait dériver Ardennes de Dardane, propriétaire de cette terre.
Ce document a été numérisé par la société Arkhénum en 2025, avec un financement de la Dotation générale de décentralisation (DGD), porté par le ministère de la Culture.
Bibliographie :
- PEREZ-SIMON, Maud, « Enquête sur les manuscrits médiévaux de la bibliothèque municipale de Montivilliers », dans Montivilliers hier, aujourd'hui et demain, n°21, 2016, le Havre
- DÉCULTOT, Gilbert, Montivilliers à travers les siècles : au Pays de Caux : évocations et images, Durand et fils, 1973, Fécamp