gastonGaston et Gustave d'Olivier Frébourg

Tout commence par une naissance : Gaston est un très grand prématuré. 26 semaines au compteur. On transporte l'enfant dans un autre hôpital, celui de Rouen. La statue tutélaire de Gustave Flaubert orne l'entrée de la maternité : voici Gaston sous la protection du grand auteur. Mais est-ce vraiment un bon signe ?

L'auteur n'est en effet pas réputé pour avoir tout donné pour ses enfants. 
Il n'en a effectivement pas eu, et a même émis l'idée qu'il fallait choisir entre avoir des enfants et la littérature. Selon lui, il serait presque inconcevable de pouvoir écrire avec des enfants grandissant à ses côtés.

Gaston de son côté se bat. Son jumeau, quant à lui, n'a pas eu cette chance. La souffrance foetale lui fut fatale. Et jamais il ne verra la couleur du jour. Il est passé de la vie utérine aux limbes des anges.  

L'auteur navigue alors dans cet essai entre récit de vie, la sienne, et réflexions sur Gustave Flaubert.
La maternité (ou la paternité) est-elle réellement un frein à la création ? Doit-on vraiment choisir entre la littérature et l'enfantement ? Sortir un livre est-ce vraiment comparable à la naissance d'un enfant ? 

Le lecteur suit alors les différentes pérégrinations de l'auteur qui se sent coupable de cet arrêt forcé en terre normande. Est-ce son goût du voyage qui a déclenché l'accouchement ? Est-ce à cause de lui que tout est arrivé ? Et s'il n'était pas allé avec sa femme au festival des Étonnants voyageurs sa femme aurait-elle eu ces contractions ?

Voici un essai né de la culpabilité d'un homme. Une faute compréhensible que n'importe quel père aurait éprouvé. De l'image d'épinal d'une famille nombreuse, le voici à faire des allers-retours entre les différents hôpitaux, sans oublier le cimetière.
Le départ de ce livre pose les bases de cette réflexion. Flaubert est au centre de tout, mais le lecteur ne peut que s'attarder sur cette petite famille chamboulée par cet accouchement avant terme. Quitte même à sauter même quelques pages qui développent la pensée de Flaubert : finalement face à ce drame de la vie, comment s'intéresser vraiment à un auteur mort depuis pas mal de temps ?
Le décalage est assez important, même si l'auteur semble être pieds et poings liés avec Flaubert depuis toujours. 

Du coup, cet écart entre le pathos de la vie de l'auteur et les réflexions d'un autre siècle est assez étrange. On a beau adorer Flaubert, le mettre sur un piédestal, face à la douleur d'une famille en deuil il ne fera pas le poids. 

Du coup, Gaston et Gustave est un livre étrange, tiraillé entre la littérature et la vie. Comme s'il fallait les opposer ...

Les coeurs de pierre se plongeront avec délectation sur les réflexions sur Flaubert, les sensibles adhéreront davantage au récit de vie. 
Une construction assez étonnante qui ne m'a guère convaincue. Et pourtant, il y avait matière à capter ma bienveillance : la littérature et les enfants sont des thèmes porteurs chez moi. Mais il faut croire qu'on ne peut les associer sans les séparer. 

De belles images toutefois, et de belles réflexions. L'association des deux thèmes était sans doute préjudiciable à la portée du roman. Il semblerait effectivement que Flaubert et les enfants ne fassent pas bon ménage. J'ai adoré et suivi avec un intérêt non dissimulé cette tranche de vie de cet auteur, tout comme j'ai complètement rejeté les réflexions de Flaubert. A moitié convaincue, donc, même si le récit de vie de l'auteur est superbement écrit : le portrait de ce père en pleine renaissance est touchant à lire. 

 De nombreuses pages cornées pour leurs belles phrases, tout de même.